Le septième jour des cours intensifs sur les droits de l’homme, le droit international pénal et la justice transitionnelle du Club des Amis du Droit du Congo à l’Université Technologique Bel Campus, le Professeur Philippe CURRAT a approfondi le thème complexe, celui relatif aux crimes internationaux.
Les participants ont ainsi pu bénéficier d’un éclairage pointu sur une réalité souvent méconnue, mais pourtant omniprésente dans notre monde. Le Professeur Philippe CURRAT a notamment abordé :
- La définition et la classification des crimes internationaux : Génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et le crime d’agression. Les participants ont acquis une compréhension claire des éléments constitutifs de ces actes odieux et de leur portée juridique.
- Les mécanismes de répression pénale internationale : Le rôle de la Cour pénale internationale, des tribunaux pénaux internationaux ad hoc et des juridictions nationales ont été analysé en détail.
- Les enjeux de la justice transitionnelle : Comment faire face à un passé violent et douloureux ? Les différentes approches de la justice transitionnelle (réparation, vérité, réconciliation) ont été passées au crible.
- Les Crimes en RD Congo : Un Enchevêtrement de Facteurs Complexes
La République Démocratique du Congo (RDC) est malheureusement connue pour les nombreux crimes qui y sont commis, notamment les violences sexuelles, les massacres, et les pillages. Les racines de ces atrocités sont profondes et s’inscrivent dans un contexte historique, politique, économique et social particulièrement complexe.
Les Facteurs à l’Origine des Crimes
- Un Passé Colonial et Postcolonial Troublé:
- Division arbitraire du territoire: Les frontières de la RDC ont été tracées par les puissances coloniales sans tenir compte des réalités ethniques et culturelles locales, créant des tensions persistantes.
- Exploitation des ressources naturelles: L’exploitation des richesses minières du pays a souvent alimenté les conflits et favorisé la corruption.
- Conflits Armés et Insécurité:
- Guerres civiles: La RDC a connu plusieurs guerres civiles depuis son indépendance, entraînant des déplacements massifs de populations et des violations systématiques des droits de l’homme.
- Groupes armés: La présence de nombreux groupes armés, souvent étrangers, a contribué à déstabiliser certaines régions du pays et à perpétrer des atrocités.
- Pauvreté et Inégalités:
- Chômage et sous-emploi: Les taux de chômage et de sous-emploi élevés, notamment chez les jeunes, créent un terreau fertile pour le recrutement dans les groupes armés.
- Inégalités sociales: Les disparités entre les différentes régions du pays et entre les classes sociales alimentent les ressentiments et les tensions.
- Faiblesses des Institutions:
- État faible: L’État congolais a du mal à assurer la sécurité de tous ses citoyens, notamment dans les zones rurales.
- Corruption: La corruption est endémique dans de nombreux secteurs, ce qui affaiblit la confiance des citoyens dans les institutions et encourage l’impunité.
- Exploitation des Ressources Naturelles:
- “Conflit des minerais”: L’exploitation illégale des ressources naturelles, notamment les minerais, finance les activités des groupes armés et alimente les conflits.
- Mafias et réseaux criminels: Des réseaux criminels transnationaux sont impliqués dans le trafic de minerais, d’armes et d’autres produits illicites.
Les Conséquences Humanitaires
Les crimes commis en RDC ont des conséquences humanitaires désastreuses :
- Déplacements de populations: Des millions de Congolais ont été déplacés de force de leurs foyers.
- Violences sexuelles: Les violences sexuelles sont utilisées comme arme de guerre et ont des conséquences psychologiques et sociales dévastatrices.
- Enfants soldats: De nombreux enfants sont recrutés de force par les groupes armés.
- Difficultés d’accès aux services essentiels: La population a du mal à accéder à l’eau potable, aux soins de santé et à l’éducation.
Les Défis à Relever
Pour mettre fin aux crimes en RDC, il est nécessaire de s’attaquer aux causes profondes du problème. Cela implique :
- Renforcer l’État de droit: Lutter contre la corruption, améliorer la gouvernance et renforcer les institutions judiciaires.
- Soutenir les processus de paix: Faciliter le dialogue entre les parties prenantes et mettre en œuvre des accords de paix durables.
- Combattre l’impunité: Poursuivre les auteurs de crimes et assurer que justice soit faite.
- Soutenir le développement économique: Créer des emplois et réduire les inégalités.
- Protéger les populations civiles: Mettre en place des mécanismes de protection pour les civils les plus vulnérables.
La situation en RDC est complexe et nécessite une approche globale et à long terme. La communauté internationale, les organisations non gouvernementales et le gouvernement congolais doivent travailler ensemble pour trouver des solutions durables et mettre fin à ce cycle de violence.
« 1ère Question était posée à notre participant Me Nico MAYENGELE NGENGE, Avocat à Doctorant en Droit : Dans l’hypothèse où la RDC notifiait les amendements au Statut de Rome liés au crime d’agression (l’agression dûment constatée par le conseil de sécurité), la justice congolaise serait-elle compétente ? Territorialement pour juger un responsable militaire ou politique, arrêté en RDC pour crime d’agression, alors qu’il serait un ressortissant d’un pays n’ayant pas ratifié les amendements au Statut de Rome en rapport avec le crime d’agression ? »
La réponse du Professeur Philippe CURRAT :
“C’est une excellente question qui soulève un point crucial du droit international pénal.
Dans l’hypothèse où la République démocratique du Congo (RDC) notifierait les amendements au Statut de Rome relatifs au crime d’agression, la compétence de la justice congolaise serait considérablement renforcée.
Cependant, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour répondre précisément à votre question :
- La compétence territoriale:
- Principe général: Si le crime d’agression a été commis sur le territoire congolais, la justice congolaise serait en principe compétente pour le juger, conformément au principe de territorialité.
- Exception pour les ressortissants étrangers: Toutefois, la compétence territoriale ne suffit pas toujours. Il faut également examiner la nationalité de l’auteur présumé du crime.
- La nationalité de l’auteur présumé:
- Ressortissant d’un État partie: Si l’auteur présumé est ressortissant d’un État ayant ratifié les amendements au Statut de Rome, la RDC serait compétente pour le juger, même si le crime n’a pas été commis sur son territoire.
- Ressortissant d’un État non partie: Si l’auteur présumé est ressortissant d’un État n’ayant pas ratifié les amendements, la situation est plus complexe.
- Le principe de complémentarité:
- La CPI en dernier ressort: La Cour pénale internationale (CPI) a compétence pour juger le crime d’agression. Cependant, elle n’intervient qu’en dernier ressort, lorsque la justice nationale est incapable ou refuse de le faire.
- La RDC doit démontrer sa volonté et sa capacité: Pour que la CPI puisse se saisir de l’affaire, la RDC doit démontrer qu’elle est incapable ou refuse de mener des poursuites sincères et efficaces.
En chutant, si la RDC notifie les amendements et si le crime d’agression a été commis sur son territoire, la justice congolaise est en principe compétente pour juger un ressortissant d’un État n’ayant pas ratifié les amendements. Cependant, cette compétence est soumise à certaines conditions, notamment le principe de complémentarité et la nécessité de démontrer que la justice congolaise est capable de mener une enquête et des poursuites impartiales.
Il est important de noter que chaque cas est particulier et qu’une analyse approfondie des faits est nécessaire pour déterminer si la justice congolaise est compétente dans une situation donnée.
D’autres éléments pourraient également influencer cette compétence, tels que les accords de coopération judiciaire entre la RDC et d’autres États, ou encore les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.“
Cette réponse offre une vision d’ensemble de la question, en soulignant les principaux éléments à prendre en compte. Elle est à la fois précise et accessible, ce qui la rend adaptée à un public varié.
« 2ème Question Mme SCHEKINATH MUJINGA KAPONGO, étudiante en cinquième année de Droit à l’Université de Kinshasa (UNIKIN) Considérant l’évolution dans l’atrocité contenue dans les pratiques des violences sexuelles (des procédures d’introduction de bâton dans l’organe génital, utilisation des couteaux …), pensez-vous qu’il faudrait élever ces évidences sexuelles comme crimes au même titre que les crimes prévu à l’art 5 Du statut de Rome ? »
Absolument ! La question posée par l’étudiante de l’UNIKIN est pertinente et soulève encore un enjeu crucial du droit international pénal.
La réponse du Professeur Philippe CURRAT à l’étudiant
Votre question met en lumière une réalité terrible : les violences sexuelles, loin de se limiter à des actes de nature sexuelle, se transforment en véritables instruments de torture et de persécution. Les pratiques que vous évoquez, telles que l’introduction d’objets dans les organes génitaux ou l’utilisation d’armes blanches, témoignent d’une cruauté inouïe et d’une volonté délibérée de causer des souffrances physiques et psychologiques extrêmes.
Votre proposition d’élever ces actes au rang de crimes internationaux spécifiques mérite d’être examinée avec attention.
Pourquoi ?
- La gravité des actes : Ces pratiques ne sont pas simplement des actes de violence sexuelle, mais bien des actes de torture et de barbarie qui constituent des atteintes graves à la dignité humaine.
- L’intention de nuire : Les auteurs de ces actes ont l’intention délibérée de causer des souffrances extrêmes, d’humilier et de dégrader leurs victimes.
- L’impact sur les victimes : Les conséquences physiques et psychologiques de ces actes sont dévastatrices et peuvent laisser des séquelles à vie.
Cependant, il est important de noter que ces actes sont déjà, dans de nombreux cas, couverts par les crimes définis à l’article 5 du Statut de Rome. Par exemple, les violences sexuelles de gravité comparable à l’esclavage sexuel ou à la prostitution forcée sont déjà considérées comme des crimes contre l’humanité.
Néanmoins, votre proposition soulève plusieurs questions intéressantes :
- La spécificité des actes : Faut-il créer une catégorie spécifique de crimes pour ces actes particulièrement atroces ? Cela permettrait une meilleure reconnaissance de leur gravité et une répression plus efficace.
- La difficulté de la preuve : Comment prouver de manière irréfutable ces actes, souvent commis dans des contextes de conflit ou de violence généralisée ?
- La coopération internationale : Comment garantir une coopération internationale efficace pour poursuivre et juger les auteurs de ces crimes ?
En conclusion, votre proposition est tout à fait pertinente et mérite d’être approfondie. Il est nécessaire de poursuivre le débat sur la qualification juridique de ces actes et sur les moyens de lutter contre l’impunité des auteurs. Une meilleure reconnaissance de la gravité de ces actes pourrait contribuer à renforcer la protection des victimes et à promouvoir une justice internationale plus efficace.
Il est également important de rappeler que la lutte contre ces crimes ne se limite pas à la répression pénale. Elle nécessite une approche globale qui inclut la prévention, la protection des victimes et la réhabilitation.
Un sujet d’une actualité brûlante
Ce cours intervient à un moment où les questions de justice internationale sont plus que jamais d’actualité. Les conflits armés, les crises humanitaires et les violations massives des droits de l’homme continuent de marquer notre monde.
Grâce à l’expertise du Professeur Philippe CURRAT, les participants ont pu acquérir les outils nécessaires pour comprendre les enjeux complexes de ces questions et pour s’engager dans les débats de société.
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